Lydia est décédée ce mercredi, elle avait 17 ans, et était en deuxième année de Service aux Personnes, en Bepa. Je l'aimais bien, comme c'est le cas de tous mes élèves, à part deux ou trois boulets qui me prennent vraiment pour un con. Eux je les aime pas beaucoup. Je ne les déteste pas non plus. Et puis, dans ce métier, qu'on aime ou pas importe peu, la notation et le jugement doivent se faire de façon objective. C'est ainsi que je procède, par souci d'équité. Lydia était toujours souriante, toujours présente. En biologie, elle était pratiquement en face de moi, et je l'ai plus d'une fois prise à partie dans mes discours, comme je le fais avec plusieurs élèves, parce que j'aime les taquiner, les faire vivre mes cours. En EPS, elle a dû faire une fois seulement l'impasse sur un cours. Et encore c'était pas comme j'entends parfois "m'sieur, j'fais pas EPS", mais "t'es d'accord si je fais pas cours aujourd'hui?" Comme quoi, le tutoiement, encore une fois, c'est pas une preuve d'irrespect, et le vouvoiement un preuve de respect. Je lui ai dit "of course", mais c'était parce qu'elle n'avait pas le moral, pas un problème de santé qui la faisait agir. Des élèves comme ça sont une leçon de vie pour leurs camarades, qui se plaignent au premier bobo, à cause des règles, d'un mal de tête ou de ventre, ou encore d'un pauvre rhume ou d'un mal de gorge. Après, ben y a les certificats médicaux, que parfois les médecins accordent facilement [1]. Faut-il vraiment qu'ils meurent pour que la leçon rentre? Je ne l'espère pas, je ne souhaite pas mourir pour que mes élèves intègrent les principes, au-delà du contenu de cours que j'essaye de leur transmettre. Enfin bref, il faut aller de l'avant, il faut continuer. J'espère de tout c½ur que ses parents, sa famille sauront faire face, je leur dédie ce sujet de mon blog, en leur prêtant mon affection et mes sincères condoléances. Je pense à ses camarades de classe, pour qui cela doit être dur. Je pense à mes collègues, qui l'ont côtoyée et appréciée. Je pense à tous ces élèves qu'il faut encore former et éduquer. Et je pense que si sa disparition amène des changements éthiques dans la tête de ceux qui pouvaient la connaître, alors Lydia aura participé par sa - trop courte - vie grandement à la leur. Pour finir, voici les paroles d'une chanson de Goldman, que j'ai toujours beaucoup aimée, et qui prend une dimension supplémentaire dorénavant: Elle avait 17 ans Jean-Jacques GoldmanA quoi tu rêves redescends C'est comme ça, pas autrement Faudra bien que tu comprennes A chaque jour suffit sa peine Après tout c'qu'on a fait pour toi A ton âge, on s'plaignait pas L'excès en tout est un défaut T'as pourtant pas tout c'qui te faut ? Ça devrait être interdit Tous ces mots tranchants comme des scies Antidotes à la vie, à l'envie Mais quelle est sa maladie ? Elle avait dix-sept ans, elle avait tant et tant de rêves à vivre Et si peu l'envie de rêver, comme ces gens âgés qui tuent le temps Qu'ils n'ont plus, assis sur des bancs Dix-sept ans, elle dérivait à l'envers loin des vérités avérées Elle disait qui vivra verra, et moi je vivrai, vous verrez ! Méfie-toi de tes amis Dans la vie pas de sentiment On ne vit pas avec des si Y'a les gagnants et les perdants T'as trop d'imagination Mais garde un peu les pieds sur terre Faudra qu'tu t'fasses une raison Attends, tais-toi, mais pour qui tu t'prends ? Elle aimait pas les phrases en cage Être sage, pas le courage Elle disait quitte à tomber de haut Qu'elle vendrait chèrement sa peau Elle avait dix-sept ans Elle prenait la vie comme un livre qu'elle commençait par la fin Ne voulait surtout pas choisir pour ne jamais renoncer à rien Dix-sept ans Elle était sans clé, sans bagages, pauvres accessoires de l'âge Elle voulait que ses heures dansent au rythme de ses impatiences Face à tant d'appétit vorace Que vouliez-vous que j'y fasse ? A tant de violente innocence J'avais pas l'ombre d'une chance
L'ascendance guerrière de l'équitation Régnier, P., Héas, S. et Calmet, M. LARES-LAS EA 2241 Classées parmi les activités de pleine nature, et présentes dans toutes les cultures du monde (Digard, 2007), les pratiques équestres ont jalonné l'histoire des hommes, et l'usage du cheval dans les activités humaines s'est révélé fondamental de l'Antiquité à la Première Guerre Mondiale (Roche, 2008). La mécanisation des moyens de production liée à la Révolution Industrielle a ensuite projeté les pratiques équestres dans le monde du sport et du loisir. Aujourd'hui l'équitation est un sport olympique et mondialement pratiqué, mais au vu de son évolution et de son histoire, n'était-elle pas avant toute chose un art martial ? L'étude de son évolution semble le laisser penser. Xénophon semble être le premier auteur antique à s'intéresser à cette pratique. Depuis lors, une succession d'auteurs et de pratiquants ont proposé leur vision et leurs préceptes jusqu'à ce jour. Réservée à l'élite guerrière, la pratique de la monte à cheval reste l'apanage des chevaliers à l'époque féodale (Baschet, 2004) puis des nobles et aristocrates durant la Renaissance (Franchet d'Esperey, 2008). Seules, dans un premier temps, les sphères les plus hautes des sociétés occidentales ont les moyens et la capacité effective de posséder un cheval, ainsi que tous les autres attributs du Chevalier, comme l'épée. Évoluant en fonction des impératifs militaires, monter à cheval passe d'une pratique de combat aux joutes durant l'époque féodale en temps de paix, puis aux Carrousels, en passant par l'équitation dite de Haute École à partir de la Renaissance et enfin devient un sport après la révolution industrielle. La pratique de l'équitation semble ainsi évoluer parallèlement à la curialisation des guerriers (Elias, 1975), l'affinement technique progressant avec celui du savoir-vivre. Les manuels et premiers « Grands Maîtres » émergent au XVIe siècle, avec Grisone en Italie, La Broue et Pluvinel en France (Lagoutte, 1974). La confrontation intellectuelle qui a vu s'affronter le Comte d'Aure et Baucher au XIXe en constitue sans doute le paroxysme. Elle oppose deux visions, deux perceptions de la pratique, mais aussi deux mondes sociaux, ceux du Noble et du Roturier (Lagoutte, 1974). Cette confrontation marque le monde équestre jusqu'à nos jours. Si les pratiques équestres sont à considérer comme, originairement, des arts martiaux, alors peut-être que ces pratiques se sont développées comme les pratiques d'origine asiatiques. En ce cas, il serait possible d'appliquer à ces pratiques équestres, entendues comme pratiques martiales, le continuum préalablement proposé pour ces dernières (Régnier, 2002). Ainsi, les pratiques équestres, intégrées aux arts de combat, se répartiraient, selon leur modalité de pratique, d'un pôle martial à un pôle sportif – au sens du produit du processus de civilisation qui fait du sport un outil étatique (Elias & Dunning, 1986), selon ce que le moniteur ou l'enseignant décide de ce qu'il enseigne, et de ce que les pratiquants attendent d'apprendre, selon le contexte même de la pratique, et les contraintes propres à chaque apprentissage dans telle ou telle région ou pays. Mots clés: équitation, art, martial, guerre, sport Baschet, J. (2004). La civilisation féodale : De l'an mil à la colonisation de l'Amérique. Paris : Aubier. Digard, J-P. (2007). Une histoire du cheval. Art, technique, société. Paris: Actes sud. Elias, N. (1975). La dynamique de l'occident. Paris : Pocket. Elias, N. & Dunning, E. (1994). Sport et civilisation, la violence maîtrisée. Paris : Pocket. Franchet d'Esperey, P. (2007). La Main du Maître. Réflexions sur l'héritage équestre. Paris: Odile Jacob. Lagoutte, J. (1974). Idéologies, croyances et théories de l'équitation en France depuis le XVII° siècle. Leurs relations avec les classes sociales et les groupes, Thèse pour le doctorat de sociologie, Université de Tours. Régnier, P., Héas, S., Bodin, D. (2002). Contribution à une compréhension ethnosociologique des arts et des sports de combat in 7° Journées de Réflexions et de Recherches sur les Sports de Combat et les Arts Martiaux. Toulon-La Garde, 11-12 avril. Roche, D. (2008). La Culture équestre occidentale, XVIe-XIXe siècle, L'ombre du cheval : Tome 1, Le cheval moteur, Essai sur l'utilité équestre. Paris: Fayard. Xénophon (2008). De l'art équestre. Paris : Les Belles Lettres. Mots clés: équitation, art, martial, guerre, sportPosted on 27 January 2010 à 9h54 Dans le dernier paragraphe, il y a une vilaine redite, pour laquelle je n'ai rien vu, sauf juste après l'avoir envoyé We'll see
Voilà, je viens d'envoyer cet article pour les journées de recherche et de réflexion sur les sports de combat et les arts martiaux. Réponse attendue pour le 15 février. On croise les doigts. Celui-là revêt une dimension particulière puisqu'il contient en soi l'aide de Bunny et omnislash qui ont très gentiment aidé en me traduisant l'article espagnol qu'on retrouve en bibliographie. Du Bushido au code moral, une historiographie du judo Régnier P., Calmet, M. & Héas S. LARES EA 2241 RésuméÉlément formatif et valorisé du judo, le code moral suscite des questionnement, par la fédération elle-même. Quelles sont les interactions qui ont présidé à sa création et comment a-t-il évolué? Une historiographie du judo prend tout son intérêt sur ce sujet. L'étude des textes fondateurs et actuels portant sur ce thème nous pousse à réviser une vision idéalisée du code moral. Créé par Midan dans les années 1980 sur la base du code d'honneur et de moral du comité national des ceintures noires proposé par Jean-Lucien Jazarin (1974). Ce dernier est créé sur la base des écrits de Nitobe (2000). Ce livre, portant sur les principes du Bushido eut à l'époque, et garde encore aujourd'hui, une grande influence. Donnant un nom à un « code non écrit du samouraï » (Reischauer, 1997), il ne relève en fait d'aucune réalité, mais est l'amalgame d'un certain nombre de concepts ayant eu cours à l'époque féodale japonaise. Kano a voulu créer une éducation physique nationale en synthétisant ses savoirs d'ancien pratiquant du jiujitsu qu'il nomma judo. Loin de se baser sur la survivance d'un code guerrier, celui-ci proposait néanmoins, par le biais de sa pratique, l'acquisition morale et intellectuelle nécessaire à chacun pour appréhender et agir au mieux dans le nouveau monde qui s'offrait à son pays, l'ouverture occidentale que provoqua la révolution de Meïji (1868), tout en conservant une vision humaniste, proche en cela de de Courbetin. Le judo, tant au Japon qu'en Europe, se développa sous une forme sportive provoquant, en France notamment, un schisme dans les années 1960 entre les tenants d'un « judo-sport » et ceux d'un « judo-martial », que l'arrivée de l'Aïkido influença grandement. C'est de cette opposition qu'est issu le code moral. Création française à un problème donné, le code moral est aujourd'hui questionné par Pierre Jazarin qui se débat avec son origine en citant Venner, un auteur douteux. Alors que le judo dans sa substance possède ce que l'éducation physique moderne cherche entre autres à valoriser, il propose de renommer ce code moral, aux accents religieux en « code de conduite », aux consonances plus laïques, qui permettra, peut être, une meilleure utilisation par ses pratiquants. IntroductionÉlément formatif et valorisé de la pratique du judo, le code moral est mis à l'honneur par la fédération française de judo (FFJ). Celui-ci suscite des questionnements quant à la compréhension qui en est faite, la FFJ le questionne récemment dans le bulletin d'information de la Commission nationale des ceintures noires (CNCN, 2008, 2009). Quelles sont les interactions qui ont présidé à la création de ce code moral et comment celui-ci a-t-il évolué? Comment, finalement, l'appréhender? Le judo et son code moral sont aujourd'hui des outils pédagogiques très utilisés, et l'apparence religieuse que ceux-ci peuvent revêtir aux yeux du non pratiquant invite à l'éclaircissement. Une historiographie du Judo, telle que proposée par Brousse (2000) prend au sujet de code moral, tout son intérêt. L'étude de la vie de Kano (l'inventeur du judo en 1882), des écrits de Jean-Lucien Jazarin (l'auteur du code d'honneur et de morale traditionnelle du collège national des ceintures noires en 1974), des textes « fondateurs » du Bushido, ainsi que ceux de la FFJ nous pousse à remettre en cause une vision idéalisée du code moral du judo. Textes et fondateursLe code moral a été mis au point par Midan dans les années 1980 (FFJ, 2008), en s'appuyant sur le code d'honneur et de morale du collège national des ceintures noires proposé en 1974 par Jean-Lucien Jazarin (1974, 209 - 244). Ce code d'honneur et de morale se base pour une grande partie sur le livre de Nitobe, "Bushidô, l'Âme du Japon " publié aux États-Unis en 1905, dont la réédition est récente (Nitobe, 2000). Né 8 ans avant la Restauration de Meiji, en 1860, Kano vit au premier plan les changements sociaux de son pays qui poussent à une occidentalisation forcenée (Hernandez, 2008; Mazac: 2007). Personnalité importante de l'éducation japonaise, et du comité olympique japonais, il a eu de multiples échanges avec les spécialistes étrangers, notamment lors de ses nombreux voyages (Jules Ferry ou de Coubertin par exemple en France). Pratiquant assidu de jiujitsu, pour lequel il y a autant d'écoles que de maîtres, il rencontre bon nombre d'entre eux, et envisage une refonte de la pratique (Hernandez, 2008) Il invente le judo, dont la traduction d'origine par Kano en anglais est Ju = souplesse ou céder, Do = moyen ou principe, mais certainement pas « voie » (au sens « ésotérique » du terme (Hernandez, 2008). Kano en fait une activité qui a pour but la formation d'un individu citoyen (au sens occidental et capitaliste du terme – accumuler des biens et bien dépenser (Hernandez 2008) - , dont les principes moraux restent limités à ce que la pratique peut fournir pour progresser personnellement face aux réalités du monde social : se décider vite, faire des choix, ne pas s'énerver, se maîtriser. La logique, proche de celle de De Coubertin, est également humaniste (Hernandez, 2008; Casado & Villamon, 2009). Le judo, alors, rentre dans les écoles et devient pratique physique nationale (Mazac, 2007). Sur le plan international, le judo s'étend rapidement, notamment en Europe, et la rencontre avec Feldenkrais assure l'avenir de la pratique en France. Puis l'activité est modifiée par Kawaishi qui institue les catégories de poids et les grades. Enfin, la compétition se développe dans les années 1960 (Hernandez, 2008). Car c'est bien Kano lui-même introduisit à l'origine la pratique de la compétition en judo, allant jusqu'à supprimer des techniques dangereuses, sa seule volonté étant qu'elle ne soit pas un but en soi (Mazac, 2007). La création du code moralLa proposition de code d'honneur et de morale de Jean-Lucien Jazarin a lieu lors de l'émergence de la lutte qui oppose les tenants d'un judo sportivisé, compétitif, à ceux d'un « beau » judo, vecteur d'un message. Celui-ci étant finalement celui véhiculé par l'aïkido et Ueshiba (son inventeur), pour lequel le suffixe "do" est à entendre dans un sens de développement personnel (Gaudin, 2009). A cette époque, le livre de Nitobe fait grande impression sur la population, et reste, ne serait-ce que par son titre, encore aujourd'hui une référence fondamentale dans l'esprit de la majeure partie des pratiquants. Basé sur une vision idéalisée des samouraï de la période Edo (1603 – 1868), écrit par un japonais tourné vers la chrétienté, dans le but avoué d'offrir à ses contemporains occidentaux une vision compréhensible par eux de sa culture, ce texte ne recoupe aucune réalité, mais représente un amalgame de pensées, un parfait mythe. Il existait bien un « code non écrit du samouraï », comme l'indique Reischauer (1997: 111) issu du croisement entre la toute récente mode confucéenne introduite par les Tokugawa, et le bouddhisme, alors en perte de vitesse. Mais ce n'est qu'après la publication du livre de Nitobe que le nom de Bushidô lui sera donné. Alors que Jean-Lucien Jazarin présente son code d'honneur et de morale en disant se baser sur les textes authentiques, il se base en réalité sur celui de Nitobe (1974). Ainsi, le code moral serait une création tardive, n'ayant aucun rapport avec la pensée originelle de son créateur. Le code moral du judo est ainsi perceptible comme une invention toute française à un problème posé dans le milieu du XXe siècle par ses acteurs eux-mêmes. Une solution permettant de valider une pratique, de lui donner corps, esprit, afin de lui allouer un espace d'existence. Alors que le judo était une activité certes japonaise, mais avec une connotation plutôt sportive, deux versions de l'activité coexistent. Celle des sportifs, où la victoire en compétition est le but recherché, et celle des tenants d'un "beau judo" et d'une activité martiale, où le combat est un moyen du développement personnel (Gaudin, 2009). Le judo et le code moral comme outils d'enseignementKano montre à l'inverse une vision du judo ancrée dans le monde moderne et sa pensée morale, bien que simple, se veut adaptable à toute situation du quotidien. Vouloir à tout prix ancrer le code moral dans la survivance d'un passé révolu ne pousse-t-il pas à prendre le risque de compromissions pour sa valorisation? Ainsi, dans la revue de la CNCN, Pierre Jazarin (2008-1) s'appuie sur les écrits de Dominique Venner à la réputation sulfureuse (Châton, 2005; Wikipédia, 2009) pour évoquer la « naissance » du Bushidô au XVIIe siècle. Pierre Jazarin cherche en toute bonne foi à redonner une vision et une place adaptée au code moral et pense que "Le judo n'est pas une église et le code moral un dogme" (2008-2: 6). Il semble admis que Kano, alors à la pointe de la réforme de son pays, a souhaité que son judo soit un outil de progression physique et intellectuelle. En cela, la communication qu'il fit à Athènes en 1934 contient en substance ce que l'Education Physique Sportive moderne cherche, entre autres, à réaliser. Pierre Jazarin (2009), suivi par la FFJ au travers du bulletin d'information de la CNCN, propose de renommer le code moral en « Code de comportement ou de conduite ». Revalorisant et réadaptant un code moral, l'évolution de la conception de ce code permet de mettre en évidence une sorte de glissement du religieux au laïc pour une utilisation « raisonnée » dudit code moral. BibliographieBrousse, M. (2000). L'historiographie des « arts martiaux ». In A. Terrisse (Dir.) Recherches en Sports de Combat et en Arts Martiaux, État des lieux. Paris: Éditions Revue EPS. Casado, J. & Villamon, M. (2009). La utopia educativa de Jigoro Kano: el Judo Kodokan. In Revista de História do Esporte Volume 2, número 1, 1 – 40. Châton, G. (2005). L'histoire au prisme d'une mémoire des droites extrêmes : Enquête sur l'Histoire et La Nouvelle Revue d'Histoire, deux revues de Dominique Venner. In Michel J. (Dir.), Mémoires et Histoires. Des identités personnelles aux politiques de reconnaissance,. Rennes,: PUR. FFJDA (2008). Shin, Éthique et traditions dans l'enseignement du Judo. Noisy-sur-École: Budo Éditions. Gaudin, B. (2009). La codification des pratiques martiales. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 179, 5 – 29. Hernandez, J-F. (2008). Judo (Jujutsu), Méthode et Pédagogie. Paris: Fabert. Jazarin, J-L. (1974). Le Judo, École de Vie. Paris: Le Pavillon. Jazarin, P. (2008). Réflexions, le Code Moral, première partie. In Bulletin d’Information De La Commission Nationale Des Ceintures Noires 1. Paris: www.ffjudo.comJazarin, P. (2008). Réflexions, le Code Moral, deuxième partie. In Bulletin d’Information De La Commission Nationale Des Ceintures Noires 2. Paris: www.ffjudo.comJazarin, P. (2009). Réflexions, le Code Moral, première partie. In Bulletin d’Information De La Commission Nationale Des Ceintures Noires 3. Paris: www.ffjudo.comMazac, M. (2006). Jigoro Kano, Père du Judo. Noisy-sur-École: Budo Éditions. Nitobe, I. (2000). Bushidô, l'Âme du Japon. Noisy-sur-École: Budo Éditions. Reischauer, E.O. (1997). Histoire du Japon et des Japonais, 1 et 2. Paris: Seuil. Wikipédia, (2009). http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Nouvelle_Revue_d%27Histoire
Voici donc le dessin dont j'ai parlé récemment. Je vous mets la version scannée en dégradé de gris, avant colorisation (Je suis dessus, là, et c'est long...). J'éditerai ce message une fois que j'aurai fini la colorisation!
J'ai toujours tendance à vouloir dessiner les mêmes personnages. Ainsi, Wolverine, Spider-man, et quelques X-men font partie de mes gimmicks personnels.
- "Oh Putaing cong, c'est Cyril Lignac déguisé en petit vieux à barbe blanche, aux commandes, peuchère! Biengvenue dans cette superbe maisong pour l'émissiong de ce mating. Aujourd'hui, nous allons voir comment cuisiner des accras de morues du vieux port dans l'entre cuisse d'un footeubaulleur pervers"* Ryō arrive et frappe brutalement d'un coup de pied le petit vieux qui gesticule à côté de la cheminée - "C'est nul!"Bon, sérieusement, tonton Ryô va enfin faire avancer ce blog qui végète depuis presque un an! Alors, maintenant, c'est l'heure d'arrêter de manger et de faire à manger dans des conditions atroces! Il faut monter la cuisine, car la cuisine, quand on est un ventre sur pattes, c'est FON-DA-MEN-TAL! Et pour ça, très chers spectateurs, pour notre première cuisine, chez qui va-t-on? Mais comme tout le monde, ma bonne dame! Chez IKEA
Oui, car quitte à se prendre une première cuisine, autant la prendre pas cher, et ensuite en changer sans remords. Jamais de remords, avec la camelote [1]. Donc, la cuisine est située dans l'angle créé par la cage d'escalier. Face au mur de cet escalier est prévu l'évier et le frigo. Le mur du côté de la baie vitrée accueillera les feux et un retour qui tiendra lieu de bar viendra compléter tout ça. Donc, en somme, là: C'est l'artisan qui s'est occupé de l'escalier et des ouvertures, ainsi que du plancher qui m'a aidé pour les parties touchant aux murs, et pour le virage du plan de travail, qui n'est pas du tout à 90°. Ensuite, c'est moi tout seul comme un grand qui me suis fait le bar. En premier lieu, je me suis attelé à faire la partie basse. Une fois cela fait, il fallait la fixer au mur. Je me suis démerdé avec moi-même. Les blocs posés les uns contre les autres m'ont permis de faire le corps du bar. Le plateau a été posé par mes soins, puis bien plus tard j'ai fait mon plateau de "troquet"! J'ai utilisé le même bois pour le "troquet" et le dos du bar, que Kaori a ensuite lazuré. Et voilà, expliqué comme ça c'est super rapide. En vrai, c'est carrément plus long. Mais bon, cette partie là est pour ainsi dire faite. Il me reste de la crédence en verre à poser (celle que vous pouvez voir près de l'évier) pour finir le tour du mur. il y a de la découpe, et ça me saoule un peu, mais je pense qu'il va vraiment falloir que je m'y mette!
JRE pour Journée de la Recherche Equine Celui-là a été retoqué, trop frais. Mérite d'attendre l'année prochaine. Normal, c'est mon sujet de thèse Son titre, bien pompeux c'est : Essai de socioanthropologie corporelle des pratiques équestres Le cheval, de la préhistoire à la Révolution Industrielle, a fait partie du quotidien et joué un rôle déterminant dans la société française. Son utilisation pour le transport, l'agriculture, ainsi qu'à la guerre était généralisée (Digard: 2007). Son utilisation guerrière, notamment, a été fonction des époques, d'une pratique médiévale à la Société de Cour, puis durant la Renaissance (Elias, 1973; Roche, 2008: 16).Le processus de civilisation qui a, durant ces périodes, participé aux différents usages du cheval et à l'évolution de sa place dans la société ainsi qu'à son utilité, a également pratiquement induit sa disparition, et sa relégation dans les sphères sportives et de loisir, par l'apparition et surtout la généralisation, au milieu du XXe siècle (Roche, 2008: 395) du travail mécanisé. Au sein du processus de civilisation, le sport tient lieu d'outil étatique (Elias & Dunning, 1986) dont l'intérêt est, au même titre que le théâtre, de permettre l'expression des affects, le relâchement des tensions induites par la vie sociale, réglées, intégrées, maîtrisées quotidiennement par chaque individu. Il peut ainsi se relâcher dans un terrain conscrit avec des règles communes aux acteurs sportifs (Duret, 2009). Elaborés au début du XXe siècle, lors de la Révolution Industrielle, les sports sont donc le produit d'un nouvel ordre social né avec le capitalisme moderne. Les travaux précédents ont permis de poser la question de la place des arts de combat asiatiques dans le champ sportif français. Champ constitué spontanément dès l'arrivée de ces pratiques, il se définit selon Audiffren et Crémieux (1996) comme celui des Arts de combat, au sein duquel coexistent une forme compétitive, les sports de combat, et une forme martiale, les arts martiaux. Les études menées ensuite (Regnier, 2000, 2001, 2002) ont alors confirmé la définition d'Audiffren et Crémieux, et ont proposé une autre dimension de ce champ sportif, en mettant en évidence un continuum de pratiques s'étendant d'un pôle sportif à un pôle martial, avec une mutlitude de modes de pratique entre ces deux extrémités. L'équitation, aujourd'hui reléguée à ce champ sportif et du loisir, est classée par le gouvernement français comme « sport de nature » ( http://www.sportsdenature.gouv.fr). Pourtant, l'étude des grands maîtres de l'équitation, tous – ou pour une écrasante majorité – militaires (Franchet d'Esperey, 2008) nous incite à proposer une autre lecture de cette pratique, et de son évolution au fil des siècles jusqu'à nos jours. Plutôt que d'être ainsi reléguée parmi des pratiques ayant pour cadre la nature, alors qu'elle semble liée selon l'étude des manuels techniques à la relation entre le cavalier et sa monture, à une pratique d'origine guerrière, l'équitation n'est-elle pas, finalement, elle aussi un art de combat ? L'étude que nous proposons de mener, par l'analyse des oeuvres techniques des auteurs phares de la pratique de l'équitation au fil de son évolution, au sein du procesus de civilisation, et par comparaison aux textes fondateurs des pratiques martiales asiatiques, aura pour objectif de proposer une autre vision de cette pratique, de ces pratiques que sont aujourd'hui les différentes formes d'équitation. L'étude des arts de combat montre, par l'attitude que le professeur, le sensei – le maître – adopte dans sa pratique et souhaite transmettre à ses élèves qu'elle entre pour une bonne part dans la démarche de la discipline qu'ils enseignent, et dans le sens qui leur est donné. Ainsi, les disciplines etudiées s'orientent plutôt vers la notion d'art martial ou de sport de combat (Régnier, 2001). Les entretiens menés auprès des professionnels des activités équestres seraient des outils fondamentaux nous permettant de constater si un continuum de pratiques, similaire à celui des arts de combat, est en oeuvre dans les pratiques équestres. La relation d'un cavalier avec son cheval semble montrer, grâce aux premiers contacts avec les spécialistes de l'activité des similitudes avec la relation entre un guerrier et son opposant. La recherche de la contrainte de la monture, dans un premier temps, puis celle du travail en harmonie, l'utilisation des espaces libres laissés par les mouvements du cheval pour l'amener à produire tel mouvement se rapprochent de la recherche de l'aïkidoka, cherchant à déséquilibrer son opposant, et en toutes circonstances à assurer la préservation de son propre équilibre. Ainsi, l'étude de cette activité, dans son évolution et dans sa pratique actuelle, proposera de faire l'état des lieux d'une discipline plus complexe, plus diverse dans le rapport au corps, au monde qu'elle suppose, au travers des formes qu'elle peut adopter.
Régnier Patrice ARIS
Le judo en Bretagne du point de vue de la théorie du processus de civilisation. Le judô est tellement développé en France et en Europe qu’il est permis de s’interroger sur les raisons favorisant l’essor d’une discipline inscrite dans le champ sportif français, comme n’importe quelle pratique occidentale. Les études, toujours plus nombreuses, prennent souvent les arts martiaux dans leur globalité. Isolés les uns des autres et placés au prisme de la théorie du processus de civilisation (Elias, 1973), l’arrivée de ces pratiques en Europe et en France prend un autre sens. L’exemple du judô, par l’étude de son histoire, de celles de son créateur et d’un cas français de pratiquant au long cours laisse apparaître effectivement une logique d’action et de pratique très significatives. Le judo en Bretagne du point de vue de la théorie du processus de civilisation. Résumé :Le judô [1] est une pratique extrêmement développée en France et en Europe. Tellement développée qu’il est raisonnable de s’interroger sur les raisons qui ont permis son essor et son inscription dans le champ sportif français, comme n’importe quelle discipline issue des territoires occidentaux. Le nombre d’études portant sur les arts martiaux et les sports de combat tend ces dernières années à croître intensément, dans tous les champs de recherche. En sociologie, de nombreuses études passées se sont intéressées aux arts martiaux, mais rares sont celles ayant porté sur le pourquoi et le comment de ces implantations, se contentant d’analyser leur arrivée comme un sur ajout de pratiques nouvelles et nécessairement adaptées dans un champ de discipline préexistant. En outre, la majorité écrasante des études prennent les arts martiaux dans leur ensemble, comme un tout indissociable, nous privant ainsi de la richesse véhiculée par leur traitement individuel. Des recherches ainsi que nos travaux laissent supposer que cette vision, peut être trop simple, cache une complexité intrinsèque à ces pratiques, liée à leur provenance. Placée au sein de la théorie du processus de civilisation (Elias, 1973), l’arrivée de ces arts martiaux en Europe et plus particulièrement en France, pour notre étude, prend un tout autre sens. Au sein de ces arts martiaux, le judô apparaît comme un cas particulier, une pratique créée de telle manière que son adoption par les pays occidentaux allait finalement de soi, ne serait-ce que par l’étude de la biographie de son créateur, Jigorô Kanô. L’étude de l’histoire de vie d’un pratiquant breton laisse deviner effectivement une logique d’action et de pratique tout à fait significatives. Mots clés : processus de civilisation, arts martiaux, sports de combat, judo, histoire, sociologie. Les arts martiaux, objet d’étude exponentielLe judô est une discipline japonaise, née en 1882, selon la plupart des sources. Son développement en Europe a été très rapide, dès le début du XXième siècle, et n’a cessé depuis de faire de nombreux émules. Lors de sa présentation en 1933, le monde européen vient tout juste de vivre une industrialisation forcenée, une rapide évolution, au sein d’un processus de civilisation (Elias, 1973 ; Elias & Dunning, 1986), à l’½uvre depuis la curialisation des guerriers, leur intégration à la société de cour. Selon ces auteurs de référence, les sociétés ont connu au cours de leur histoire une évolution de la sensibilité à la violence, l’augmentation de cette sensibilité se répandant des strates sociales supérieures vers les strates inférieures au cours du temps. Ainsi, la société s’est vue exiger de ses membres une maîtrise toujours plus grande de leurs affects et de leurs comportements vis-à-vis d’autrui. Selon cette théorie, la violence devient étatique, monopolisée par les gouvernements, dans une logique de pacification des peuples. Les sports tiennent une place fondamentale dans ce nouveau monde, et en épousent les modalités de fonctionnement : être premier, gagner, dans un terrain circonscrit et des règles communes. Mais ils constituent également un terrain favorable à l’expression de ces affects habituellement contrôlés. Avec 523009 licenciés en 2008 uniquement pour le Judo et le Jujutsu, selon la fédération française de Judô, Jujutsu et disciplines affinitaires (FFJDA), cette pratique est aujourd’hui l’une des premières fédérations par nombre de licenciés en France. Clément (1992) montre effectivement que les arts martiaux japonais, et le Judô plus particulièrement, ont été les premiers à s’implanter dans ce pays et à être fédérés. Mais rares sont les chercheurs à s’être interrogés sur les raisons de ce particularisme. Bien que de nombreuses études portent aujourd’hui sur les pratiques martiales, rares sont les propos visant à donner une explication sociologique de ce fait avéré. De plus, il est très fréquent que ces études portent sur les arts martiaux dans leur globalité, et provoque un biais assez important : instituer des règles de fonctionnement globales, quelles que soient les pratiques martiales, et d’où qu’elles viennent. Ainsi, Braunstein (1999) nous éclaire sur les intérêts que peuvent revêtir ces pratiques martiales pour les occidentaux. Selon elle, la diffusion et l’expansion des arts martiaux en Europe semblent liées au rapport au corps qu’ils proposent. En effet, dans une société de type cartésien comme la notre, des pratiques supposant un rapport étroit entre l’esprit et le corps peuvent rentrer dans le cadre des nouvelles tendances de la société. Elle ajoute que s’engager dans ce genre de pratique constitue un voyage réel entre deux imaginaires. Il nous est en effet permis de penser que ces pratiques offrent aux individus s’y engageant un certain « dépaysement », une forme d’acceptation de s’immerger dans une autre culture, ou d’en donner l’impression de part les rituels généralement proposés par ce type de pratique (salut, tenue, lieu, langage…). Cependant, cet auteur commet dans son raisonnement ce qui nous paraît être une méprise. En effet, elle semble partir du principe que tous les arts martiaux provenant d’Asie ont la même histoire. Or, les arts martiaux asiatiques sont issus pour les plus connus du Japon, de Corée, de la Chine et de l’Inde, pays qui n’ont pas évolué de la même manière, même si des interactions constantes ont eu lieu entre eux. De même qu’en Europe, l’Angleterre, la France et l’Allemagne, bien qu’ayant entretenu des rapports étroits, n’en restent pas moins des pays, des sociétés, des cultures différentes. De ce fait, il nous semble que les arts martiaux ne doivent pas être englobés, mais bien considérés par rapport aux sociétés qui les ont engendrées. De même que toutes les cultures ne sont pas comparables, que les arts de la table n’ont pas un même degré de civilisation dans les différentes contrées du monde, les arts martiaux ne peuvent véhiculer les mêmes idées, les mêmes conceptions, la même histoire. MinHo (1999) fait bien, lui, une différence entre chaque Art Martial en fonction de sa provenance. Il nous propose ainsi une comparaison des motivations à pratiquer les arts martiaux entre Coréens et Français qui s’avère intéressante bien que, malgré cette différenciation de départ, il traite finalement les arts martiaux asiatiques dans leur ensemble, ce qui ne semble pas être une bonne chose. Jean-Paul Clément est donc l’un des premiers auteurs à avoir abordé ce type de recherche dans le champ des sciences sociales. Parlant alors de la constitution de l’espace des disciplines de combat en France (1992), il s’attache à analyser son développement de 1936 à 1980. Contrairement à cet auteur, et cela est peut être dû au recul, nous ne pensons pas seulement que l’arrivée de ce que nous appelons les arts martiaux en France a modifié « l’espace des disciplines sportives en devenant l’une de ses principales composantes », mais qu’en plus, un autre espace de pratiques totalement nouveau a pris place à l’extérieur du champ sportif. Il s’agirait d’un champ de pratique corporelle non « sportif » dans l’acceptation éliasienne du terme. C’est ce qu’il semble ressortir de deux études réalisées respectivement en 2000 et 2001 utilisant, notamment, la « théorie civilisatrice » appliquée au sport par Elias et Dunning, et qui contribuent à une plus grande clarté par l’observation de la réalité locale et nationale. La première (Régnier, Héas, 2000) porte sur la pratique du Kung-fu à Rennes, et englobe l’ensemble des quatre clubs de la ville. Nous avons constaté au sein de ces pratiques différents modes d’enseignement, fonctionnant parallèlement, non sans frictions. Nous les avons définis comme pratiques orthodoxes (i.e. conformes aux sports fédérés) et hétérodoxes (i.e. pratiques non sportives, non fédérées). De ce point de vue, les arts martiaux constituent un espace de disciplines particulier, au sein duquel coexistent au moins deux modes de rapport au corps et à la pratique. La seconde (Régnier, 2001) s’intéresse à la place des silences dans la pratique des arts martiaux. Plusieurs types de pratiques « martiales » ont été rencontrés dans toute la France. Les travaux d’Elias et Dunning permettent tout d’abord de cadrer la définition d’Audiffren et Crémieux (1996), et y apportent une dimension supplémentaire. Ces auteurs ont proposé une délimitation de l’espace de pratiques nouvellement créé en le nommant « arts de combat », et en différenciant en son sein les « arts martiaux » et les « sports de combat ». Nous avons vu que les sports européens dans la société jouent un rôle de régulateur des affects au même titre que la musique ou le théâtre (Elias, Dunning, 1986). Certaines pratiques de combat asiatiques importées après la révolution industrielle se sont largement institutionnalisées. D’autres demeurent marginales et confidentielles. Les pratiques de combat asiatiques subissent une « fédéralisation », voire une « reculturation » (Audiffren et Crémieux, 1996 ; Héas, El Ali, Régnier, 2000). L’étude du terrain que nous avons réalisé permet de vérifier ces processus de construction en cours. Les pratiques semblent de fait s’étendre sur un continuum regroupé en « arts de combat » allant des pratiques les plus hétérodoxes, les arts martiaux, aux pratiques plus orthodoxes, les sports de combat. Cette proposition de continuum est issue, donc, d’une perception du degré de fédéralisation de la pratique par ceux qui la font, les enseignants, ainsi que de la valeur donnée par les professeurs aux aspects « traditionnels » de leur pratique, ou à l’inverse aux critères de performance sportive. On constate en outre la tendance suivante : plus la pratique est compétitive, plus les principes suivis sont ceux de la performance motrice et moins la recherche dite philosophique et l’efficacité réelle sont importantes. Comme le supposent Audiffren et Crémieux (1996), il semble bien que les pratiques se séparent entre arts martiaux et sports de combat, mais que cette séparation relève d’un processus complexe dû à la représentation sportive de certaines pratiques, aux valeurs propres à certaines enseignants, à l’écho local de certaines figures charismatiques, etc. Le judo et son créateur, des sujets d’étude occidentalisésMais malgré tout, le judô est la seule pratique corporelle rencontrant un tel succès. Une explication peut être donnée quant à cette extrême occidentalisation du Judô. Goodger & Goodger (1977) se basent sur les travaux d’Elias et Dunning (1966, 1975) afin d’expliquer la création et l’évolution du Judo. Ils nous apprennent que son fondateur, Jigorô Kanô (1860-1938) a été non seulement directeur de l’Ecole Normale Supérieur de Tôkyô pendant 23 ans, mais en plus Chef du bureau au ministère japonais de l’éducation. Il fut en outre parmi les responsables de l’introduction des activités sportives et de l’éducation physique au sein des écoles japonaises. Enfin, il eut un lien étroit avec l’entrée du Japon aux jeux olympiques et fut membre du Comité International Olympique durant trente ans (1977 : 9). A la lumière de ces informations, la rapide « sportivisation » du Judô s’explique aisément. En effet, Kanô a été un précurseur dans son pays du développement des pratiques sportives telles qu’elles existaient en Europe, et la création du Judo et son développement en ont très certainement été influencés. D’ailleurs, les auteurs précisent que Kanô, ayant créé le Judô en se basant sur le Jujutsu qu’il avait pratiqué auparavant, l’a fait en rendant les techniques de projection et de saisie moins dangereuses. Il s’agissait donc dès l’origine d’une euphémisation de la pratique du Jujutsu, basée sur une sélection des techniques de préhension, et sur une application moins risquée de celles-ci. Cela peut expliquer la rapidité avec laquelle le Judô s’est développé au sein du cadre sportif et institutionnel occidental, malgré la lutte des pratiquants quant au devenir de cette activité, comme l’explique Clément (1992), dans les années 50. Pour Audiffren & Crémieux (1996) : « L’histoire du Judo nous enseigne qu’il s’est mondialisé sur la base majoritaire des normes et des discours sportifs et non pas sur le silence du zen, les règles du confucianisme et la métaphysique du tao ». Le Judô est le premier art martial à être parvenu en Europe, et de ce fait à l’heure actuelle la pratique martiale la plus fédéralisée de toutes. On peut même aller plus loin dans l’analyse de cette activité. La biographie de Jigorô Kanô est sur ce point précis riche d’enseignements (Mazac, 2006). Recontextualisons tout d’abord la période à laquelle nous nous situons : Kanô naît peu avant la « Restauration de Meiji », qui a lieu en 1868. Lors de cette restauration, la mainmise sur le pouvoir par les Shôgun (appelé également Bakufu) s’achève, suite à l’arrivée du Commodore Perry au Japon. Le pouvoir revient à l’Empereur, et se produit une ouverture importante et inédite du Japon vers l’extérieur. Dès lors, une modernisation très rapide va se mettre en place (2006 : 20). Le port du sabre est rendu illégal, le costume trois pièces tout occidental est porté par les élites ; et le créateur du Judô prend une part énorme dans ces processus d’ouverture sur l’extérieur, comme nous l’avons constaté. Toute la famille de Kanô s’avère en fait liée par le sang ou par alliance à des personnalités du monde politique de l’époque (2006 : 21 – 31). Et Jigorô Kanô est de fait attiré par l’enseignement, et son engagement pédagogique mais aussi politique va tenter de mêler tradition et modernité : le judô est né. Cette pratique est donc issue du Jujutsu, en empruntant les techniques les plus sécurisées, mais en sus, la compétition fait partie de son fonctionnement pratiquement dès l’origine, et il est dès le départ perçu par son créateur comme un outil d’éducation physique. Peut-on dès lors parler du judô comme d’un « art martial », ou doit-on tout simplement le considérer comme ce qu’il est manifestement à la base : un sport ? Kanô se fait le chantre du sport, de l’éducation physique, bref : de tout ce que les activités physiques véhiculent en Occident dans son propre pays. Le créateur du judô est le membre d’une élite, non pas occidentalisée, mais modernisée, industrialisée. En prenant la biographie de Jigorô Kanô du point de vue du processus de civilisation d’Elias, nous devrions placer le judô comme une pratique purement hétérodoxe au Japon de l’époque, mais parfaitement orthodoxe quant au mode de pratique occidental. L’analyse historique de l’activité amène nécessairement la réflexion à se focaliser sur l’actualité et la perception que nous pouvons avoir sur le développement et sur la situation actuelle de cette pratique. Nous avons choisi de nous intéresser à l’histoire de vie, à l’histoire de la pratique d’un judôka, qui a déjà un bon nombre d’années de judô derrière lui, cela afin de nous faire une idée de la perception que peut avoir un judokâ expérimenté de la pratique elle-même, et de sa propre histoire dans l’histoire de son activité. Le témoin que nous avons choisi enseignait en Bretagne, était membre d’une structure nationale. Ainsi, d’un seul cas nous rejoignons le régional et le national, ceci constituant une amorce de recherche plus complète à l’avenir. Étude de cas : la pratique du judô vue par un judoka bretonNous porterons notre intérêt à l’entretien, réalisé lors du master (2001), d’un enseignant de judô de Rennes. Nous avons choisi de suivre la méthodologie proposée par Bertaux (2005) dans sa conception de l’étude du récit de vie. Responsable du pôle France de Bretagne, le vécu de notre témoin s’étale sur une bonne période. Ayant commencé à pratiquer à six ans, ce professeur est fils de militaire, et c’est sous l’impulsion de parents trouvant leurs enfants trop « énergiques » que leur inscription première a lieu. C’est plus précisément le père, sportif convaincu et manifestement très intéressé par les sports de combat qui sera déclencheur de cette primo inscription. Mettant cela sous l’effet du hasard, ce professeur nous explique que c’est le voisin qui pratiquait et emmenait déjà ses enfants au judô qui a poussé les parents de notre témoin à faire de même. Notons que le voisin en question rentrait, tout comme la famille du témoin du Maroc, cela ayant éventuellement généré le lien social suffisant à ce choix de pratique. De ce point de vue, les propositions de Braunstein ne sont pas ici validées, dans le sens où la notion d’« immersion culturelle » n’est pas mise en valeur chez notre témoin. Mais alors, pourquoi rester dans la pratique ? Selon notre pratiquant, alors que la préadolescence l’amenait à déserter les tatamis, c’est d’abord la « douce » pression familiale qui a l’incité à rester, ainsi que l’ « émulation » suscitée par les premiers résultats de sa fratrie. Il est intéressant de constater que dans ce cas, c’est l’obtention de résultats, et non pas un quelconque apport dépaysant ou enrichissant du point de vue culturel qui a fait rester notre enseignant de judô. De fait, notre pratiquant est peut être un exemple type du pratiquant de judô intégré à une pratique très fédérée : non seulement, ce sont les résultats de ses pairs qui l’ont incité à continuer sa pratique, alors même qu’il avait tendance à s’en éloigner, mais en outre, son parcours est tout à fait concordant avec une pratique de type haut niveau : « j’ai été international cadet, junior, universitaire, scolaire, militaire et cetera, j’ai passé six années de ma vie à l’INSEP, à m’entraîner avec les membres de l’équipe de France, et en 1980 j’ai été nommé ici en tant que responsable de la section sports études ». Cela couplé avec un parcours en STAPS, et une part d’enseignement dans le cursus universitaire, le tout pour devenir responsable de l’équipe technique régionale, responsable du pôle France à Rennes et sixième DAN. Notons qu’aujourd’hui, il est entraîneur national pour la FFJDA. Notre pratiquant pourrait passer pour l’archétype du produit de sa fédération. Fédération qui a un fonctionnement parfaitement structuré, puisque ses cadres sont recrutés directement au sein de ses propres anciens champions, garantissant ainsi une gestion entièrement assurée par les pairs de l’activité, et non pas par des promoteurs ou investisseurs contrairement à d’autres activités, plus développées et dans lesquelles les problèmes de financement ont atteint des sommets. La FFJDA fonctionne en cercle hermétiquement fermé. Cela peut être du au fonctionnement compétitif français, pour lequel le Haut niveau suppose un passage par l’INSEP ou les pôles France ou Espoir, créant des liens entre pratiquants, liens sur le long terme qui vont amener les judokas à se croiser tout au long de leurs parcours, comme nous le confirme le professeur interrogé, qui en parle en terme de « parcours initiatique ». Ainsi, « Fabien Canu était à l’INSEP en même temps que moi […] il y a beaucoup de gens qui sont mes amis ». De même, lorsqu’il évoque la construction du microcosme social des pratiquants de son dôjô, il met facilement en avant la nécessaire adaptation des nouveaux arrivants, ainsi que la relative autorégulation qui se met en place entre les pratiquants. De fait, tout ce qui relève de la tradition, au vu de ce discours, est d’ordre sportif, et non pas martial. Ainsi, lorsque l’on demande à notre témoin quels sont les objectifs qu’il perçoit dans sa pratique, c’est un discours complètement inscrit dans la logique sportive que nous obtenons : « On peut avoir des orientations techniques […], de développement physique, et cetera, donc tout est possible avec le judô ». En revanche, obtenir le titre de judokâ relève à ses yeux d’une intensité de pratique minimale et d’un investissement personnel important, accordant ainsi un statut particulier à ses pairs, renouant ainsi avec la notion de « parcours initiatique », et de circuit fermé de la pratique. Toutes les notions relatives à ce que l’on pourrait appeler le « dépaysement » de la pratique, toute l’aura rituelle est par contre réduite à peau de chagrin : le code moral, mis en avant par la fédération, se réduit à la pratique toute sociale du respect dû à autrui, aux autres pratiquants et à ses enseignants. Le judô de ce fait a un rôle éducatif, comme toute pratique sociale de référence. Seuls la tenue et le salut revêtent une importance particulière. La tenue en tant que médium de la pratique, sans laquelle l’activité judô n’a plus de sens, est bien évidemment nécessaire. Le Kumi Kata, qui est le fait de prendre le kimono dans le but de réaliser une technique nécessite que la tenue classique soit non seulement portée, mais aussi réajustée si nécessaire. Le salut, quant à lui, revêt une symbolique beaucoup plus forte, aux yeux de ce professeur : rupture de début et de fin de la pratique, reprise en main individuel « contrôle de soi », « changement de milieu » sont les principales fonctions de ce rituel, pour lequel le silence le plus sérieux est demandé aux pratiquants. Enfin, ce qui est étonnant, dans le discours de notre témoin, c’est la perception du public japonais. En effet, lorsqu’il nous évoque la rencontre d’une équipe japonaise, venue s’entraîner à son dôjô, c’est avec étonnement qu’il nous apprend que ces derniers se sont avérés largement plus bruyants que ses propres élèves, parlant durant les séances, s’invectivant à longueur de temps…Notre sujet de recherche portait alors sur la place des silences dans les pratiques martiales. Nous avions constaté que dans cette structure, les silences se faisaient très rares, et nous en avions fait la remarque à notre témoin. La notion de silence nous avait alors intéressé, car il faisait partie d’un corpus d’idées attendues par la plupart des auteurs dans des pratiques comme les arts martiaux. Idée qui nous amenait à faire l’hypothèse d’une pratique « religieuse », au sens de pieuse, de recueillie, de ces pratiques. Il s’est avéré que les silences perçus lors de cette pratique par l’observation directe, et après discussion avec le professeur, qu’ils étaient plutôt dus à des raisons physiologiques de récupération, ou liées à l’intensité de la pratique. Malgré cette pensée, partagée tant des auteurs de référence que des pratiquants eux-mêmes, ainsi que du point de vue du chercheur, l’on aurait pu s’attendre à une pratique plus « martiale », plus « religieuse » dans le sens d’un ascétisme tout oriental, ce sont les pratiquants japonais qui détonnent dans l’environnement du dôjô que les pratiquants français. ConclusionAu travers de la lecture des auteurs de référence, il apparaît fondamental d’une part de prendre bien soin de traiter les pratiques de manière autonomes, c’est-à-dire en tant que pratiques différentes et différenciées, par leur histoire sociale, leur mode et lieu de création, et la façon dont chacune d’entre elle, à sa façon, a réussi ou pas son implantation. D’autre part, l’étude du cas que nous avons exposé ici demande manifestement de pousser la recherche plus loin, afin d’arriver à un corpus d’entretiens suffisant pour valider les informations que nous avons reçues ici. En effet, il est évident qu’un seul entretien, d’un professeur de judô aussi immergé dans la vie de la fédération est insuffisant, bien qu’il nous permette de nous faire une idée du fonctionnement interne de la FFJDA, et de la formation des sportifs de haut niveau en judô. Notre continuum semble validé par l’étude de cas, ainsi que par la confrontation des auteurs, et paraît même s’affiner. Il nous reste à vérifier si une pratique comme le judô, au vu de ce que nous avons constaté ici, peut s’étendre sur ce continuum ou n’être en réalité qu’un sport parmi les sports. Bibliographie :Audiffren, M. & Crémieux, J. (1996). Arts martiaux, arts de défense ou arts de combat? In Y. Kerlirzin & G. Fouquet (Eds.), Arts martiaux, sports de combat (pp. 61 – 66). Paris : INSEP publications. Bertaux, D., (2005). L’enquête et ses méthodes. Le récit de vie. Paris : Armand Colin. Braunstein F., (1999). Les arts martiaux aujourd’hui, Paris : L’Harmattan. Clément, JP. (1992). La constitution de l'espace des disciplines de combat en France : 1936 –1980. In P. Arnaud & Al. (Eds.), Corps, Espace et Pratiques Sportives (pp. 174 – 192). Strasbourg : Conseil scientifique de l'Université. Elias, N. (1973). La civilisation des m½urs. Paris : Calmann-Lévy. Elias, N. & Dunning, E. (1986). Sport et Civilisation. La Violence Maîtrisée. Paris : Fayard. Goodger, B. C. & Goodger, J. M. (1977). Judo in the light of Theory and Sociological Research. International Review of Sport Sociology, t 12, n°2, 5-34 Héas, S, El Ali M. & Régnier P., (2000). « A.P.S. et auto-contrainte : essai de comparaison entre les relaxations, le kung fu et le marathon », colloque international Norbert ELIAS organisé par le C.E.R.P.P.E. (Rennes 2) et le C.R.A.P. (C.N.R.S./I.E.P.) : « Questions au Procès de civilisation », Rennes (France), octobre. Jodelet, (1995). Représentation sociale : phénomènes, concept et théorie. In S. Moscovici (Ed.), Psychologie Sociale (p. 361). Paris : PUF. Kim, M. (1999). L’origine et le développement des arts martiaux. Pour une anthropologie des techniques du corps. Paris : L’Harmattan. Mazac, M. (2006). Jigoro Kano, Père du Judo. Paris : Budo Editions. Parlebas (1986). Eléments de Sociologie du Sport. Paris : PUF. Régnier, P., Heas, S. (2000). Le Kung-fu Wushu à Rennes. Qui pratique et pourquoi ? Mémoire de maîtrise, Université Rennes II, Laboratoire Sciences Humaines UFR STAPS. Régnier, P., Héas, S., Bodin, D. (2002). Contribution à une compréhension ethnosociologique des arts et des sports de combat in 7° Journées de Réflexions et de Recherches sur les Sports de Combat et les Arts Martiaux. Toulon-La Garde, 11-12 avril. Régnier, P., De Queiroz, J. M., Léziart, Y. (2001). La place des silences dans la pratique des arts martiaux. Mémoire de DEA, Université Rennes II, Laboratoire Sciences de l’Education. Sites Internet : FFJDA : http://www.ffjudo.comEUJ : http://www.eujudo.com/
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